Véritableréflexion sur le rapport de l'homme à la mort, le titre de l’œuvre reprend celui de l'une des Pensées de Pascal, affirmant qu' « un roi sans divertissement est un
Unepensée vieille comme le monde, sur laquelle ont brodé Montaigne, Bossuet et La Bruyère, mise en maxime par Pascal ("Un roi sans divertissement est un homme plein de
Un Roi sans divertissement est un homme plein de misères » décrète Blaise Pascal dans Pensées. Le divertissement pour philosophie de vie, c’est le parti-pris d’Alex Goude, animateur facétieux du petit écran, qui marque l’actualité de cette rentrée et des fêtes de fin d’année avec entre autres le succès de Total Blackout sur W9 et le retour
Unroi sans divertissement est un roman de 1947 de Jean Giono.. Le titre Un roi sans divertissement renvoie à la phrase qui clôt le roman et que Giono emprunte aux Pensées de Pascal : un roi sans divertissement est un homme plein de misères
Unroi sans divertissement Theâtre espace 44 . Accueil; Programmation 2018-2019; Un roi sans divertissement; Un roi sans divertissement . Nominations. Meilleur spectacle Tous public. Meilleur 1er rôle Masculin. Meilleure Scénographie "Un roi sans divertissement est un homme plein de misères » Citation de Pascal . Un
NX38. Résumé Détails Compatibilité Autres formats Bären est le chef d'un clan de berserkers. Vivant comme des mercenaires, le groupe enchaîne les petites missions se faisant ainsi gentiment un nom craint et respecté. Le destin du clan bascule le jour où le roi des Vikings décide d'entrer en guerre contre la reine Stuart, dirigeante de l'Angleterre. Le groupe de berserkers arrive à se faire engager dans cette aventure, mais ils vont se rendre compte que lors d'une guerre de cette ampleur, des ennemis inattendus peuvent apparaître. Lire plusexpand_more Titre Bären EAN 9791040513162 Éditeur Librinova Date de parution 19/08/2022 Format ePub Poids du fichier Inconnue Protection Filigrane numérique L'ebook Bären est au format ePub protégé par Filigrane numérique check_circle Cet ebook est compatible pour une lecture sur application iOs et Android Vivlio. check_circle Cet ebook est compatible pour une lecture sur My Vivlio. check_circle Cet ebook est compatible pour une lecture sur le lecteur Vivlio. check_circle Cet ebook est compatible pour une lecture sur liseuse. Je crée ma liste d’envies Vous devez être connectée pour pouvoir créer et sauvegarder votre liste d’envies cancel Déjà cliente ?Se connecter Pas encore inscrite ?Mon compte Un compte vous permettra en un clin d’oeil de commander sur notre boutique consulter et suivre vos commandes gérer vos informations personnelles accéder à tous les e-books que vous avez achetés avoir des suggestions de lectures personnalisées Livre non trouvé Oups ! Ce livre n'est malheureusement pas disponible... Il est possible qu’il ne soit pas disponible à la vente dans votre pays, mais exclusivement réservé à la vente depuis un compte domicilié en France. L’abonnement livre numérique Vivlio shopping_basketL’abonnement credit_cardInformations bancaires local_libraryEt j’en profite ! check_circle Chaque mois, bénéficiez d’un crédit valable sur tout le catalogue check_circle Offre sans engagement, résiliez à tout moment ! L’abonnement livre numérique Vivlio shopping_basketL’abonnement credit_cardInformations bancaires local_libraryEt j’en profite ! Vous allez être redirigé vers notre prestataire de paiement Payzen pour renseigner vos coordonnées bancaire Si la redirection ne se fait pas automatiquement, cliquez sur ce lien. Bienvenue parmi nos abonnés ! shopping_basketL’abonnement credit_cardInformations bancaires local_libraryEt j’en profite !
[box type= »bio »] Senda Souabni Jlidi, Université de Tunis I [/box] [box type= »info »] Varia du dossier L’absurde au prisme de la littérature, les vignettes présentent, sous forme de brèves, quelques unes des œuvres emblématiques du mouvement littéraire de l’absurde.[/box] Dans Un roi sans divertissement, publié en 1947 et écrit en un peu plus d’un mois, du 1er septembre au 10 octobre 1946, Jean Giono situe l’histoire un hiver de 184… dans un village de montagne. Une série de disparitions se produit dont le coupable reste introuvable jusqu’à ce qu’arrive un capitaine de gendarmerie qui se charge de l’enquête Langlois. L’intrigue pourrait être simplement policière si les motivations du meurtrier et celles du policier n’étaient pas d’un autre ordre que celles qui d’ordinaire régissent ce genre. Le titre et la phrase de clausule[1] qui renvoient à Pascal donnent au texte une résonnance qui situe l’enquête sur un plan différent de celui commun aux romans policiers. De fait, s’il s’agit bien de meurtres et de disparitions, il s’agit aussi d’occuper le vide d’un monde insubstantiel » tel que l’affirme Robert Ricatte[2]. Dans ce village que la neige ensevelit pour de longs mois d’inactivité et d’ennui, le blanc devient synonyme de vide à remplir et d’angoisse à dissiper. Car cette nature rendue soudain hostile n’est pas tant une menace physique qu’une atteinte à l’être même, mettant l’homme face à soi, l’obligeant à une confrontation qui, pour le dire comme Pascal, fait réfléchir au Malheur naturel de notre condition faible et mortelle, et si misérable, que rien ne peut nous consoler, lorsque nous y pensons de près[3]. Tous droits réservés C’est en cela qu’Un roi sans divertissement module de façon fort originale la thématique de l’absurde et doit se lire comme une protestation contre la condition humaine. Giono ne démontre pas. Il raconte – d’ailleurs de façon fort lacunaire pour garder aux personnages tout leur mystère – le tâtonnement au bout duquel le gendarme finit par comprendre les motivations du meurtrier s’il tue c’est par fascination pour le rouge du sang contrastant avec le blanc de la neige, y trouvant un remède à l’ennui distillé par un hiver qui semble ne jamais vouloir finir. Introduisant ainsi le motif esthétique, Giono fait le pari que seul le recours au Beau est salutaire dans une condition désespérée. Plus innocemment, les villageois – prisonniers dans un village que la neige rend inaccessible de l’extérieur mais également paralysés de peur à l’idée d’être surpris par le meurtrier – rêvent, cloîtrés et oisifs, d’un monde aux couleurs du paon[4] ». La couleur, négation du blanc assimilé au linceul de neige qui recouvre le village et y fige toute vie, est la possibilité d’introduire dans l’hostilité primitive du monde[5] », un divertissement, c’est-à -dire une possibilité de détourner l’esprit de la pensée tragique de la mort. La couleur se charge d’apporter une consolation à l’absurdité de l’existence. C’est pourquoi le narrateur d’Un roi sans divertissement qui a vite compris que l’interprétation la plus probante des crimes commis échappe aux raisons admises et conventionnelles dans ce genre d’affaire, situe son enquête sur le plan de la Beauté non sur celui de la Vérité. Il rejette par exemple le point de vue – prosaïque – de son ami historien pour faire de l’acte meurtrier une réponse au néant[6]. Si l’assassin tue c’est donc pour apposer son empreinte sur un monde qui le nie. Le meurtre pourrait être compris comme la réponse à ce silence déraisonnable du monde[7] » dont parle Camus dans Le Mythe de Sisyphe. Ainsi donc, dans ce roman qui illustre le tragique de la conscience quand elle prend acte de l’absurde, le but de Giono n’est pas, malgré le titre, de se rallier à Pascal et de trouver le salut dans la pensée de Dieu, mais de montrer que la tentative la plus aboutie, la seule digne d’être retenue pour contrer l’absurde est le geste esthétique. En faisant couler le sang de ses victimes sur la neige, le meurtrier se crée par ce spectacle hypnotique les conditions du bonheur. Que ce bonheur soit temporaire, illusoire, factice, là n’est pas la question et d’ailleurs les victimes potentielles sont légion. Le temps de l’extase, tiré hors de lui-même, diverti, le meurtrier dépasse les limites de la condition humaine et échappe à la finitude. Dans l’espace illimité de la neige sans contours ni repères, il inscrit son désir d’absolu. Il existe alors hyperboliquement. Giono ne se soucie pas de morale. Peu importe que la victime soit innocente. La question n’affleure jamais dans le texte. La réflexion esthétique exclut la réflexion éthique. Le narrateur affirme, entrant dans les raisons du criminel […] je veux dire qu’il est facile d’imaginer, compte tenu des cheveux très noirs, de la peau très blanche, du poivre de Marie Chazottes, d’imaginer que son sang est très beau. Je dis beau. Parlons en peintre[8]. Par ailleurs, le désir de cruauté est inscrit dans tous les hommes. Il ne s’agit pas d’en discuter. Giono le note comme une évidence. L’affirmation que l’auteur des crimes est un homme comme les autres[9] » n’est pas une condamnation de tous les hommes mais le constat qu’ils répondent aux insuffisances de la condition humaine par les moyens qui leur sont donnés, en particulier par cette part de monstruosité naturelle à tout un chacun. Par cette illustration de la banalité du mal », Un roi sans divertissement fait allégeance au contexte qui l’a vu naître. Cependant, n’est pas roi qui veut. Le meurtre conjurateur de l’ennui dans Un roi sans divertissement est le fait de ces âmes d’exception – que Giono appelle les âmes fortes[10] » – qui font fi des normes aussi bien humaines que divines et bousculent les limites qui leur sont imparties. En tuant, est un roi qui se divertit. En acceptant d’être tué par Langlois qui reconnaît en lui un homme au-dessus de la loi puisqu’il ne le livre pas à la justice, il paye le tribut de cette transgression et montre que le défi lancé à la condition humaine vaut bien qu’on en meure. C’est sans doute cela que Langlois comprend dans l’ultime et silencieux face à face avec Devenant son frère, son semblable, contaminé par le vertige existentiel, confronté à l’absurdité d’une existence devenue étriquée et dont le sens en dehors de l’acte de tuer est absent, se sentant incapable de résister plus longtemps à l’attrait du meurtre, ayant essayé en vain des divertissements moins royaux, Langlois se suicide en fumant un bâton de dynamite. Mais quel hommage plus grand à l’art que celui que lui rend Giono en en faisant le divertissement par excellence, celui qui sublime la peine de vivre et de mourir ? Car l’auteur sait bien que la conscience c’est l’ennui[11] » et qu’il est un besoin vital pour l’homme de trouver à s’en détourner. Dans une boutade qui n’en est peut-être pas une Giono affirme Le cinéma j’entends par cinéma toute industrie d’illusion nous permet d’accomplir nos crimes sans fatigue, sans danger, dans un fauteuil. Ajoutons que ce fauteuil aide à l’usage de la métaphysique dans la vie courante […][12]. homme d’avant le cinéma, devait, lui, parcourir de grandes étendues, quittant son village pour le village voisin, traversant la montagne à la lisière des nuages, pour obtenir cette divine satisfaction. Affronter l’absurde ne va pas sans risque ni fatigue. [1] Qui a dit Un roi sans divertissement est un homme plein de misères ? », Œuvres romanesques complètes, III, Paris, Gallimard, Bibliothèque de La Pléiade », p. 606. Dorénavant ORC. [2] Le genre de la chronique » in ORC, p. 1288. [3] Fragment 139 des Pensées dans l’édition Brunschvicg. [4] ORC, p. 459. [5] Albert Camus, Le Mythe de Sisyphe, in Essais, Paris, Gallimard, Bibliothèque de La Pléiade », 1965, p. 108. Edition établie et annotée par Roger Quilliot et Louis Faucon. [6] Evidemment, c’est un historien ; il ne cache rien il interprète. Ce qui est arrivé est plus beau, je crois. » ORC, [7] L’absurde naît de cette confrontation entre l’appel humain et le silence déraisonnable du monde. » Albert Camus, Essais, p. 117-118. [8] ORC, p. 480. [9] Affirmation plusieurs fois réitérée dans le récit. [10] Titre d’une Chronique de Giono mais appellation qui peut s’appliquer aussi bien à qu’à Langlois. [11] Le Désastre de Pavie, in Journal, Poèmes, Essais, Paris, Gallimard, Bibliothèque de La Pléiade », 1995, p. 931. Édition publiée sous la direction de Pierre Citron.
Temps de lecture 30 minutes Il est vrai que c’est être misérable, que de se connaître misérable ; mais c’est aussi être grand, que de connaître qu’on est misérable. Ainsi toutes ses misères prouvent sa grandeur. Ce sont misères de grand Seigneur, misères d’un Roi dépossédé. Même s'il dit lui-même que "se moquer de la philosophie, c'est vraiment philosopher" 513-4, il est certes contestable de faire de Pascal un philosophe alors qu'il n'a d'autre dessein que de faire l'apologie de la religion chrétienne au regard de la misère de l'homme sans dieu. S'il admet les failles de la raison, c'est pour les boucher immédiatement avec le dogme hérité "Deux excès exclure la raison, n'admettre que la raison". Il est justement intéressant de voir comme le vrai peut venir du faux, et ce que la religion - qui a pris la suite des philosophies du bonheur et de leur échec - peut révéler de nous et de nos faiblesses comme de notre incomplétude. En effet, cette lucidité n'aurait sans doute pas été permise s'il n'en proposait immédiatement le remède trompeur de la foi dans une vérité révélée, autre façon de s'empêcher de penser. Il faut dire que cette voie chrétienne vers le bonheur se distingue du tout au tout des philosophies du bonheur précédentes d'abord par le rejet du moi haïssable jusqu'au sacrifice qui non seulement se prive des plaisirs mais valorise la souffrance ce qui ferait gagner des points pour son ciel. L'essentiel, c'est de se délivrer du souci de soi pour renvoyer la charge de la cause sur un Autre. Cette religion du supplicié comporte incontestablement une dimension masochiste avec l'image sanglante d'un homme cloué à sa croix et suscitant la pitié, supposé prendre sur lui toute la souffrance du monde. Ce douloureux calvaire est on ne peut plus éloigné de l'ataraxie du sage mais s'estime pourtant très supérieur à cette misérable sagesse trop humaine - un Dieu seul pouvant nous sauver ni la raison, ni le plaisir. On n'est pas ici dans la fonction politique de la religion mais dans sa fonction thérapeutique par laquelle elle rejoint malgré tout les philosophies du bonheur, apportant satisfaction à de profonds désirs et de grandes espérances. Une des différences les plus notables, constituant la supériorité du chrétien sur le sage, c'est de reconnaître ses propres péchés et insuffisances, ce qui lui fait adopter une position d'humilité qui contraste avec l'orgueil du maître. C'est un avantage et il faut bien dire que, malgré toutes ses qualités exceptionnelles, il est en effet très difficile de prendre Pascal en modèle. Certes, c'est un génie extraordinairement précoce en mathématique - il a inventé une machine à calculer à 18 ans, écrit des traités géométriques plus jeune encore, prouvé l'existence du vide, etc. Cependant, il avait les nerfs fragiles, il était dépressif, colérique, souffreteux. On est bien dans le pathologique. En octobre 1654, à 31 ans, alors que son carrosse a failli tomber dans le vide, retenu comme par miracle, il en est tellement choqué qu'il en perd conscience et fait une expérience mystique qu'il décrira dans un papier, "le Mémorial", qu'il portait toujours sur lui, cousu dans son veston. Il y aurait beaucoup plus à dire sur son enfance et sa fragilité psychique mais cela suffit à montrer que sa dévotion chrétienne n'avait vraiment rien à voir avec le fameux "pari de Pascal" qui prétend jouer la vérité aux dés en évaluant la probabilité des plaisirs et des peines ici-bas et dans l'au-delà . Même s'il prétend que "il y a trois moyens de croire la raison, la coutume, l'inspiration", il est déjà scandaleux de faire de la foi un calcul incertain, n'ayant rien à voir avec les véritables raisons de nos croyances - toute l'apologie de la religion chrétienne étant bien la démonstration que la religion répond à nos besoins les plus intimes. Mais, là où on frise l'arnaque, c'est que l'application du calcul de probabilité qu'il avait inventé perd absolument tout sens à mettre l'infini d'un côté. Il y a là une forme de "mauvaise foi" incontestable. On aura compris qu'il n'y a nulle bonne raison de donner crédit à ses "pensées" sinon que plusieurs puissent nous sembler étonnamment vraies. Il ne peut être question d'adopter ses croyances mais de reconnaître, dans sa critique implacable, la réalité de nos existences déniée par l'idéalisme et par les philosophies du bonheur, notamment ce terrible ennui qui nous poursuit et nous précipite dans le divertissement pour nous empêcher de penser à nous et à notre avenir. C'est aussi ce qui fait la valeur du travail et rend si invivable le chômage et bien sûr la prison. On ne prend pas assez la mesure de l'importance fondamentale, ontologique, de l'ennui. Les dieux grecs eux-mêmes craignaient l'ennui, un temps sans histoire, ce serait même selon Hésiode la raison de la création du monde et de l'humanité, pour les divertir, de même que, dans la Bible, Eve est créée pour sortir Adam de l'ennui ! Si Pascal voit bien son importance dans la vie de cour d'aristocrates désoeuvrés, s'occupant des jeux les plus futiles, il ne va pas jusqu'à reconnaître que la religion est sans doute le plus grand des divertissements, nous délivrant du non-sens premier et de devoir donner nous-mêmes un sens à notre existence, nous projeter dans le futur forcément collectif et non jouir du présent comme le prétendent toutes les sagesses, ni suivre simplement son destin. Ce que l'ennui manifeste, c'est en effet qu'on ne se satisfait pas du corps ni d'une nature donnée, mais qu'on a besoin d'une cause extérieure, des autres, ou d'un grand Autre sous la forme d'un Dieu hérité du père dont l'avantage est qu'on l'a toujours sous la main ! Sinon, l'ennui profond est bien le sentiment d'un manque, voire la conscience de notre nullité, mais, sauf quand il n'est que l'impatience d'un ailleurs ou de pouvoir se jeter dans l'action, il manifeste plutôt le manque du manque, nos passe-temps rendus à leur vanité, nous laissant inoccupés et sans avenir, manque de désir et de motivation plus encore que d'idéal, et donc sans fin assignable. Il faut rappeler les 3 sortes d'ennui que distinguera Heidegger l'ennui accidentel de l'attente d'un train qui cherche un passe-temps, l'ennui mondain des soirées inutiles qui sont une perte de temps, et l'ennui profond d'une indifférence qui nous concerne intimement. Cet ennui est supposé pouvoir nous ouvrir aux possibles qui pourtant se refusent et serait même au fondement de notre liberté de nous choisir nous-mêmes tout comme nos engagements. Il est ainsi de bon ton à l'époque numérique de regretter le bon temps de l'ennui, nous forçant à la créativité, ce qui n'est pas faux sans doute mais tous nos appareils n'empêchent pas de s'ennuyer et le vrai, c'est que c'est un état très pénible, et même souvent suicidaire à se soustraire au monde, sortir du jeu et de l'illusio, en tout cas la dure épreuve de la durée. La critique du divertissement préfigure la critique de l'aliénation ou du spectacle, bien avant nos technologies, mais, s'il n'y a pas d'harmonie préalable, de nature à suivre, de plaisir satisfaisant, la question doit être reprise sous un autre angle que celle d'une altération, d'une dénaturation dès lors qu'elle est déjà au départ. "La nature de l’homme est toute nature, omne animal. Il n’y a rien qu’on ne rende naturel. Il n’y a naturel qu’on ne fasse perdre". Il semble bien que ce ne soit pas seulement une invention de la religion notre péché originel de ne pas pouvoir se suffire à soi-même, de ne pas avoir de remède véritable contre la conscience de la mort ni aboutir à une fin heureuse "Le dernier acte est toujours sanglant, quelque belle que soit la comédie en tout le reste. On jette enfin de la terre sur la tête, et en voilà pour jamais". Ce n'est pas une raison pour autant d'accepter l'ordre établi comme un ordre divin, et ne pas chercher à l'améliorer au moins, sous prétexte que ce ne sera jamais parfait et qu'il y aura toujours de la souffrance. L'ennui nous pousse au contraire à l'action et l'engagement même s'il ne devrait plus être possible de promettre le bonheur ou de retrouver une authenticité originelle surtout après l'expérience de la psychanalyse, ici décisive pour continuer la phénoménologie du désir et empêcher de rêver à un homme nouveau. Bien sûr il est plus désespérant, et difficilement supportable, d'admettre l'échec de la philosophie, assez prouvé par l'expérience, s'il n'y a pas de Dieu caché pour nous en consoler et tenir ses promesses comme pour les Romains passant du stoïcisme au christianisme. Après la "mort de Dieu", l'ennui va devenir le Mal du siècle, l'état d'âme du nihilisme confronté à l'absence de sens, confirmation de "la misère de l'homme sans Dieu". Il ne suffit pas de prétendre "vivre sans temps mort" ou multiplier les expériences extrêmes pour conjurer le vide. Cela devrait plutôt nous ramener à plus d'humilité, au savoir de l'ignorance d'un Socrate et sa critique de la sagesse contre les prétentions des demi-savants, mais, en tout cas, l'unité de la pensée et de l'être est bien définitivement brisée malgré les innombrables tentatives de la reconstituer. Il nous faut revenir à nos existences concrètes et nos rapports humains, dans leur finitude, leur singularité, avec leurs mauvais côtés et leurs bonheurs relatifs ou passagers, loin des promesses des grands systèmes et des formules magiques. Reconnaître la réalité serait donc admettre qu'il n'y a pas d'assurance bonheur ni de complète satisfaction possible en ce monde imparfait, nous délivrant ainsi d'une quête malheureuse, d'une lutte contre l'aliénation devenue encore plus aliénante, comme du souci de soi et de sa petite existence le moi haïssable, pour se tourner vers l'enfer des autres dont on veut être aimé ou reconnu ? Si on y gagne de sortir de l'impasse narcissique et de l'obsession de la jouissance ou de nos névroses, ce n'est pas pour autant que ce "divertissement" de soi nous rendrait beaucoup plus heureux puisque, la plupart du temps, ce sont les autres qui nous font souffrir, même si on y trouve aussi le réconfort. Là -dessus, Pascal, qui n'est pas très charitable, ne nous laisse aucune illusion non plus. "Je mets au fait que si tous les hommes savaient ce qu'ils disent les uns des autres, il n'y aurait pas quatre amis dans le monde". A défaut d'un Dieu, ce qui peut nous sauver, c'est la transcendance du monde, le souci de sa préservation, non pas seulement de l'humanité mais de l'existence du monde que nous habitons et de son évolution écologique et cognitive dont nous sommes le résultat et qui nous donne sens. Voilà certainement ce qui peut donner valeur à notre action et nous décider à participer à cette extériorité objective mais c'est sans doute en ne mettant pas trop l'homme au centre de façon autoréférentielle, en arrêtant de l'idéaliser et d'en attendre des merveilles, qu'on pourra se supporter plus facilement et agir ensemble pour le bien commun, voire s'aimer avec tous nos défauts et ce terrible ennui qui nous vide de l'intérieur et dont on ne craint rien tant qu'il ne revienne. Contrariétés étonnantes qui se trouvent dans la nature de l’homme à l’égard de la vérité, du bonheur, et de plusieurs autres choses. Rien n’est plus étrange dans la nature de l’homme que les contrariétés que l’on y découvre à l’égard de toutes choses. Il est fait pour connaître la vérité ; il la désire ardemment, il la cherche ; et cependant quand il tâche de la saisir, il s’éblouit et se confond de telle sorte, qu’il donne sujet de lui en disputer la possession. C’est ce qui a fait naître les deux sectes de Pyrrhoniens [sceptiques] et de Dogmatistes, dont les uns ont voulu ravir à l’homme toute connaissance de la vérité, et les autres tâchent de la lui assurer ; mais chacun avec des raisons si peu vraisemblables qu’elles augmentent la confusion et l’embarras de l’homme, lorsqu’il n’a point d’autre lumière que celle qu’il trouve dans sa nature. [...] Voilà ce qu’est l’homme à l’égard de la vérité. Considérons-le maintenant à l’égard de la félicité qu’il recherche avec tant d’ardeur en toutes ses actions. Car tous les hommes désirent d’être heureux ; cela est sans exception. Quelques différents moyens qu’il y emploient, ils tendent tous à ce but. Ce qui fait que l’un va à la guerre, et que l’autre n’y va pas, c’est ce même désir qui est dans tous les deux accompagné de différentes vues. La volonté ne fait jamais la moindre démarche que vers cet objet. C’est le motif de toutes les actions de tous les hommes, jusqu’à ceux qui se tuent et qui se pendent. Et cependant depuis un si grand nombre d’années, jamais personne sans la foi n’est arrivé à ce point, où tous tendent continuellement. Tous se plaignent, Princes, sujets ; nobles, roturiers ; vieillards, jeunes ; forts, faibles ; savants, ignorants ; sains, malades ; de tous pays, de tous temps, de tous âges, et de toutes conditions. Une épreuve si longue, si continuelle, et si uniforme devrait bien nous convaincre de l’impuissance où nous sommes, d’arriver au bien par nos efforts. Mais l’exemple ne nous instruit point. Il n’est jamais si parfaitement semblable, qu’il n’y ait quelque délicate différence ; et c’est de là que nous attendons que notre espérance ne sera pas déçue en cette occasion comme en l’autre. Ainsi le présent ne nous satisfaisant jamais, l’espérance nous pipe, et de malheur en malheur nous mène jusqu’à la mort qui en est le comble éternel. [...] La nature nous rendant toujours malheureux en tous états, nos désirs nous figurent un état heureux parce qu’ils joignent à l’état où nous sommes les plaisirs de l’état où nous ne sommes pas et quand nous arriverions à ces plaisirs nous ne serions pas heureux pour cela parce que nous aurions d’autres désirs conformes à ce nouvel état. [...] Notre instinct nous fait sentir qu’il faut chercher notre bonheur en nous. Nos passions nous poussent au dehors, quand même les objets ne s’offriraient pas pour les exciter. Les objets du dehors nous tentent d’eux—mêmes, et nous appellent, quand même nous n’y pensons pas. Ainsi les Philosophes ont beau dire rentrez en vous mêmes, vous y trouverez votre bien ; on ne les croit pas ; et ceux qui les croient sont les plus vides et les plus sots. Car qu’y a-t-il de plus ridicule et de plus vain que ce que proposent Stoïciens, et de plus faux que tous leurs raisonnements ? Ils concluent qu’on peut toujours ce qu’on peut quelquefois, et que puisque le désir de la gloire fait bien faire quelque chose à ceux qu’il possède, les autres le pourront bien aussi. Ce sont des mouvements fiévreux que la santé ne peut imiter. La guerre intérieure de la raison contre les passions a fait que ceux qui ont voulu avoir la paix se sont partagés en deux sectes. Les uns ont voulu renoncer aux passions, et devenir Dieux. Les autres ont voulu y renoncer à la raison, et devenir bêtes. Mais ils ne l’ont pu ni les uns ni les autres ; et la raison demeure toujours qui accuse la bassesse et l’injustice des passions, et trouble le repos de ceux qui s’y abandonnent et les passions sont toujours vivantes dans ceux mêmes qui veulent y renoncer. Voilà ce que peut l’homme par lui-même et par ses propres efforts à l’égard du vrai, et du bien. Nous souhaitons la vérité, et ne trouvons en nous qu’incertitude. Nous cherchons le bonheur, et ne trouvons que misère. Nous sommes incapables de ne pas souhaiter la vérité et le bonheur, et sommes incapables et de certitude et de bonheur. [...] Ce qui m’étonne le plus est de voir que tout le monde n’est pas étonné de sa faiblesse. On agit sérieusement et chacun suit sa condition, non pas parce qu’il est bon en effet de la suivre, puisque la mode en est, mais comme si chacun savait certainement où est la raison et la justice. On se trouve déçu à toute heure et par une plaisante humilité on croit que c’est sa faute et non pas celle de l’art qu’on se vante toujours d’avoir. Mais il est bon qu’il y ait tant de ces gens-là au monde qui ne soient pas pyrrhoniens pour la gloire du pyrrhonisme, afin de montrer que l’homme est bien capable des plus extravagantes opinions, puisqu’il est capable de croire qu’il n’est pas dans cette faiblesse naturelle et inévitable, et de croire, qu’il est au contraire dans la sagesse naturelle. Le désir de reconnaissance Nous avons une si grande idée de l’âme de l’homme, que nous ne pouvons souffrir d’en être méprisés, et de n’être pas dans l’estime d’une âme et toute la félicité des hommes consiste dans cette estime. Si d’un côté cette fausse gloire que les hommes cherchent est une grande marque de leur misère, et de leur bassesse, c’en est une aussi de leur excellence. Car quelques possessions qu’il ait sur la terre, de quelque santé et commodité essentielle qu’il jouisse, il n’est pas satisfait s’il n’est dans l’estime des hommes. Il estime si grande la raison de l’homme, que quelque avantage qu’il ait dans le monde, il se croit malheureux, s’il n’est placé aussi avantageusement dans la raison de l’homme. C’est la plus belle place du monde rien ne le peut détourner de ce désir ; et c’est la qualité la plus ineffaçable du cœur de l’homme. Jusque là que ceux qui méprisent le plus les hommes et qui les égalent aux bêtes, en veulent encore être admirés, et se contredisent à eux mêmes par leur propre sentiment ; leur nature qui est plus forte que toute leur raison les convainquant plus fortement de la grandeur de l’homme, que la raison ne les convainc de sa bassesse. L’homme n’est qu’un roseau le plus faible de la nature ; mais c’est un roseau pensant. Il ne faut pas que l’univers entier s’arme pour l’écraser. Une vapeur, une goutte d’eau suffit pour le tuer. Mais quand l’univers l’écraserait, l’homme serait encore plus noble que ce qui le tue ; parce qu’il sait qu’il meurt ; et l’avantage que l’univers a sur lui, l’univers n’en sait rien. Ainsi toute notre dignité consiste dans la pensée. C’est de là qu’il faut nous relever, non de l’espace et de la durée. Travaillons donc à bien penser. Voilà le principe de la morale. [...] Nous ne nous contentons pas de la vie que nous avons en nous, et en notre propre être nous voulons vivre dans l’idée des autres d’une vie imaginaire ; et nous nous efforçons pour cela de paraître. Nous travaillons incessamment à embellir et conserver cet être imaginaire, et négligeons le véritable. Et si nous avons ou la tranquillité, ou la générosité, ou la fidélité, nous nous empressons de le faire savoir, afin d’attacher ces vertus à cet être d’imagination nous les détacherions plutôt de nous pour les y joindre ; et nous serions volontiers poltrons, pour acquérir la réputation d’être vaillants. Grande marque du néant de notre propre être, de n’être pas satisfait de l’un sans l’autre, et de renoncer souvent à l’un pour l’autre ! Car qui ne mourrait pour conserver son honneur, celui-là serait infâme. [...] La vanité est si ancrée dans le cœur de l’homme, qu’un goujat, un marmiton, un crocheteur se vante, et veut avoir ses admirateurs. Et les Philosophes mêmes en veulent. Ceux qui écrivent contre la gloire, veulent avoir la gloire d’avoir bien écrit ; et ceux qui le lisent, veulent avoir la gloire de l’avoir lu ; et moi qui écris ceci, j’ai peut-être cette envie ; et peut être que ceux qui le liront l’auront aussi. [...] Nous sommes si présomptueux, que nous voudrions être connus de toute la terre, et même des gens qui viendront quand nous ne serons plus. Et nous sommes si vains, que l’estime de cinq ou six personnes qui nous environnent nous amuse et nous contente. L'inquiétude humaine Nous ne nous tenons jamais au présent. Nous anticipons l’avenir comme trop lent, et comme pour le hâter ; ou nous rappelons le passé pour l’arrêter comme trop prompt. Si imprudents, que nous errons dans les temps qui ne sont pas à nous, et ne pensons point au seul qui nous appartient et si vains, que nous songeons à ceux qui ne sont point, et laissons échapper sans réflexion le seul qui subsiste. C’est que le présent d’ordinaire nous blesse. Nous le cachons à notre vue, parce qu’il nous afflige ; et s’il nous est agréable, nous regrettons de le voir échapper. Nous tâchons de le soutenir par l’avenir, et pensons à disposer les choses qui ne sont pas en notre puissance pour un temps où nous n’avons aucune assurance d’arriver. Que chacun examine sa pensée. Il la trouvera toujours occupée au passé et à l’avenir. Nous ne pensons presque point au présent ; et si nous y pensons, ce n’est que pour en prendre des lumières, pour disposer l’avenir. Le présent n’est jamais notre but. Le passé et le présent sont nos moyens ; le seul avenir est notre objet. Ainsi nous ne vivons jamais ; mais nous espérons de vivre ; et nous disposant toujours à être heureux, il est indubitable que nous ne le serons jamais, si nous n’aspirons à une autre béatitude qu’à celle dont on peut jouir en cette vie. Ennui et divertissement Tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre. Rien n'est si insupportable à l'homme que d'être dans un plein repos, sans passions, sans affaire, sans divertissement, sans application. Il sent alors son néant, son abandon, son insuffisance, sa dépendance, son impuissance, son vide. Incontinent il sortira du fond de son âme l'ennui, la noirceur, la tristesse, le chagrin, le dépit, le désespoir. L’homme qui n’aime que soi ne hait rien tant que d’être seul avec soi. Il ne recherche rien que pour soi, et ne fuit rien tant que soi ; parce que quand il se voit, il ne se voit pas tel qu’il se désire, et qu’il trouve en soi-même un amas de misères inévitables, et un vide de bien réels et solides qu’il est incapable de remplir. Qu’on choisisse telle condition qu’on voudra, et qu’on y assemble tous les biens, et toutes les satisfactions qui semblent pouvoir contenter un homme. Si celui qu’on aura mis en cet état est sans occupation, et sans divertissement, et qu’on le laisse faire réflexion sur ce qu’il est, cette félicité languissante ne le soutiendra pas. Il tombera par nécessité dans des vues affligeantes de l’avenir et si on ne l’occupe hors de lui, le voila nécessairement malheureux. La dignité royale n’est-elle pas assez grande d’elle-même, pour rendre celui qui la possède heureux par la seule vue de ce qu’il est ? Faudra-t-il encore le divertir de cette pensée comme les gens du commun ? Je vois bien, que c’est rendre un homme heureux, que de le détourner de la vue de ses misères domestiques, pour remplir toute sa pensée du soin de bien danser. Mais en sera-t-il de même d’un Roi ? Et sera-t-il plus heureux en s’attachant à ces vains amusements, qu’à la vue de sa grandeur ? Quel objet plus satisfaisant pourrait-on donner à son esprit ? Ne serait-ce pas faire tort à sa joie, d’occuper son âme à penser à ajuster ses pas à la cadence d’un air, ou à placer adroitement une balle ; au lieu de le laisser jouir en repos de la contemplation de la gloire majestueuse qui l’environne ? Qu’on en fasse l’épreuve ; qu’on laisse un Roi tout seul, sans aucune satisfaction des sens, sans aucun soin dans l’esprit, sans compagnie, penser à soi tout à loisir ; et l’on verra, qu’un Roi qui se voit, est un homme plein de misères, et qui les ressent comme un autre. Aussi on évite cela soigneusement, et il ne manque jamais d’y avoir auprès des personnes des Rois un grand nombre de gens qui veillent à faire succéder le divertissement aux affaires, et qui observent tout le temps de leur loisir, pour leur fournir des plaisirs et des jeux, en sorte qu’il n’y ait point de vide. C’est à dire, qu’ils sont environnés de personnes, qui ont un soin merveilleux de prendre garde que le Roi ne soit seul, et en état de penser à soi ; sachant qu’il sera malheureux, tout Roi qu’il est, s’il y pense. Aussi la principale chose qui soutient les hommes dans les grandes charges, d’ailleurs si pénibles, c’est qu’ils sont sans cesse détournés de penser à eux. Prenez y garde. Qu’est-ce autre chose d’être Surintendant, Chancelier, premier Président, que d’avoir un grand nombre de gens, qui viennent de tous côtés, pour ne leur laisser pas une heure en la journée où ils puissent penser à eux-mêmes ? Et quand ils sont dans la disgrâce, et qu’on les renvoie à leurs maisons de campagne, où ils ne manquent ni de biens ni de domestiques pour les assister en leurs besoins, ils ne laissent pas d’être misérables, parce que personne ne les empêche plus de songer à eux. De là vient que tant de personnes se plaisent au jeu, à la chasse, et aux autres divertissements qui occupent toute leur âme. Ce n’est pas qu’il y ait en effet du bonheur dans ce que l’on peut acquérir par le moyen de ces jeux, ni qu’on s’imagine que la vraie béatitude soit dans l’argent qu’on peut gagner au jeu, ou dans le lièvre que l’on court. On n’en voudrait pas s’il était offert. Ce n’est pas cet usage mol et paisible, et qui nous laisse penser à notre malheureuse condition qu’on recherche ; mais c’est le tracas qui nous détourne d’y penser. De là vient que les hommes aiment tant le bruit et le tumulte du monde ; que la prison est un supplice si horrible ; et qu’il y a si peu de personnes qui soient capables de souffrir la solitude. [...] Les hommes ont un instinct secret qui les porte à chercher le divertissement et l’occupation au dehors, qui vient du ressentiment de leur misère continuelle. Et ils ont un autre instinct secret qui reste de la grandeur de leur première nature, qui leur fait connaître, que le bonheur n’est en effet que dans le repos. Et de ces deux instincts contraires, il se forme en eux un projet confus, qui se cache à leur vue dans le fonds de leur âme, qui les porte à tendre au repos par l’agitation, et à se figurer toujours, que la satisfaction qu’ils n’ont point leur arrivera, si, en surmontant quelques difficultés qu’ils envisagent, ils peuvent s’ouvrir par là la porte au repos. Ainsi s’écoule toute la vie. On cherche le repos en combattant quelques obstacles ; et si on les a surmontés, le repos devient insupportable. Car, ou l’on pense aux misères qu’on a, ou à celles dont on est menacé. Et quand on se verrait même assez à l’abri de toutes parts, l’ennui de son autorité privée ne laisserait pas de sortir du fonds du cœur, où il a ses racines naturelles, et de remplir l’esprit de son venin. C’est pourquoi lorsque Cineas disait à Pyrrus qui se proposait de jouir du repos avec ses amis après avoir conquis une grande partie du monde, qu’il ferait mieux d’avancer lui même son bonheur, en jouissant dés lors de ce repos, sans l’aller chercher par tant de fatigues, il lui donnait un conseil qui recevait de grandes difficultés, et qui n’était guère plus raisonnable que le dessein de ce jeune ambitieux. L’un et l’autre supposait que l’homme se pût contenter de soi-même et de ses biens présents, sans remplir le vide de son cœur d’espérances imaginaires, ce qui est faux. Pyrrhus ne pouvait être heureux ni devant ni après avoir conquis le monde. Et peut-être que la vie molle que lui conseillait son ministre était encore moins capable de le satisfaire, que l’agitation de tant de guerres, et de tant de voyages qu’il méditait. On doit donc reconnaître, que l’homme est si malheureux, qu’il s’ennuierait même sans aucune cause étrangère d’ennui par le propre état de sa condition naturelle et il est avec cela si vain et si léger, qu’étant plein de mille causes essentielles d’ennui, la moindre bagatelle suffit pour le divertir. De sorte qu’à le considérer sérieusement, il est encore plus à plaindre de ce qu’il se peut divertir à des choses si frivoles et si basses, que de ce qu’il s’afflige de ses misères effectives ; et ses divertissements sont infiniment moins raisonnables que son ennui. L'ignorance savante Si l’homme s’étudiait, il verrait combien il est incapable de passer outre. Comment se pourrait-il qu’une partie connût le tout ? [...] Donc toutes choses étant causées et causantes, aidées et aidantes, médiatement et immédiatement, et toutes s’entretenant par un lien naturel et insensible qui lie les plus éloignées et les plus différentes, je tiens impossible de connaître les parties sans connaître le tout, non plus que de connaître le tout sans connaître particulièrement les parties. [...] La force est la reine du monde, et non pas l'opinion; mais l'opinion est celle qui use de la force. C'est la force qui fait l'opinion. [...] Les sciences ont deux extrémités qui se touchent. La première est la pure ignorance naturelle, où se trouvent tous les hommes en naissant. L’autre extrémité est celle où arrivent les grandes âmes, qui ayant parcouru tout ce que les hommes peuvent savoir, trouvent qu’ils ne savent rien, et se rencontrent dans cette même ignorance d’où ils étaient partis. Mais c’est une ignorance savante qui se connaît. Ceux d’entre eux qui sont sortis de l’ignorance naturelle, et n’ont pu arriver à l’autre, ont quelque teinture de cette science suffisante, et font les entendus. Ceux là troublent le monde, et jugent plus mal de tout que les autres. Le peuple et les habiles composent pour l’ordinaire le train du monde. Les autres le méprisent et en sont méprisés. Sauf exceptions, c'est la version de Port-Royal des Pensées 1670. Article intégré à une petite histoire de la philosophie.
-33% Le deal à ne pas rater Jumbee Roundnet – Jeu de plein air à 29,99€ € € Voir le deal Le Deal du moment Cartes Pokémon où commander le coffret ... Voir le deal € Lightning Strokes Thunder Bay. Starbuck AuteurMessageAber Sparks ♠AGE 31♠COPYRIGHT Drey / Tumblr♠STATUT SOCIAL Alone. ♠EMPLOI/LOISIRS Sans emploi / truandSujet "Un roi sans divertissement est un homme plein de misères" disait Pascal. __ /Tatiana Mer 14 Mar - 2339 Des marshmallows. Fondus. Dans une tasse de café brûlante. Et assis au fond du canapé, affalé comme un petit vieux. Puis mater une série bien stupide ou un feuilleton sans intérêt, comme un petit vieux. Ou alors commencer à dessiner l'ébauche de son prochain tatouage. Affalé sur le canapé. Comme un petit vieux. ClicPenser à rappeler Antoine. Se charger de l'échange prévu avec ces pauvres cons de québecois. Faire visiter l'endroit à Amanda, éventuellement. Faire un tri dans le groupe qui squatte la troisième planque depuis quelques jours. Racheter une batte neuve. Entreprendre de faire les comptes du dernier mois pour voir si le dernier fournisseur a pas tenté de faire une escroquerie foireuse. Faire comprendre à ces nigauds l'absence prévue à leur prochaine sauterie de débauchés complètement paumés. ClicAller voir quelqu'un pour changer la cymbale crash cassée. Prévenir les voisins du dessous qu'ils n'auront plus à cracher des insanités infantiles à travers leur plafond tant que la batterie ne sera pas réparée. Refaire un tour à l'ANPE pour voir si les classeurs et les ordinateurs voleront dès que le pas de la porte sera franchi. Donner aimablement son CV à n'importe quel commerce avant d'avoir la culpabilité de celui qui aurait gâché du papier donc abattu des centaines d'arbres pour rien. ClicRecommencer à zéro sa partie de Skyrim. Compter les pièces dans le bocal à centimes trop grand pour son contenu. Regarder le foot alors que c'est terriblement ennuyeux. Jeter enfin toutes les sauces périmées qui prennent plus de place dans le frigo que tout le reste. Battre son record de 6 secondes d'écoute de Nyan Cat. Se couper les cheveux les yeux fermés. Lancer le chat de la voisine par la fenêtre. Insulter les passants. Se jeter la tête la première dans le peu de neige qui prendre un café. Toutes les raisons sont bonnes à prendre pour détourner son attention de quelque chose qu'on ne veut pas voir ou accepter. C'est un petit truc de personnes de mauvaise foi. Tout un art de vivre. Esquiver la vérité c'est assez marrant au fond, mais ça ne l'est qu'au début. Après, c'est toute une sorte de culpabilité idiote qui retombe sur le crane. On peut très bien penser à n'importe quoi, même si ça n'a pas de sens, tant que ça permet d'éviter les problèmes pour quelques minutes. C'est un peu – carrément – l'image du type qui admire le bal aérien d'une mouche au lieu d'écouter les sermons de l'autre mec. De toutes façons, avoir la force de regarder les choses en face, c'est souvent quelque chose qui demande trop de courage. Pardon? Aber avoir du courage? La bonne blague. Lui, on peut le mettre devant une poignée de gars armés jusqu'au dents, devant un psychopathe cannibale, devant sa voisine de 120 ans et son chien, devant une mygale géante style Harry Potter, devant une centaine de policiers aux pistolets braqués sur lui, devant un tsunami, devant l'apocalypse, rien ne lui fera peur. Rien. A part une chose. Une chose dont personne n'a peur, a part lui. Cette toute petite chose certainement inoffensive et qui aurait autant de force dans les poings qu'un petit chat. Cette chose aux cheveux roses et à la dégaine gracieuse qui se balade derrière les photographes depuis tout à l'heure. Des tas de gens se demandent pourquoi Aber n'est jamais entouré. De nanas, bien évidemment. Souvent, ses potes le taquinent en lui rappelant qu'il a une peur bleue des femmes. Ce n'est absolument pas vrai, non. Mais pourquoi ne le voit-on jamais en approcher une seule dans ce cas? Et pourquoi rejeter toutes ces bombes atomiques qui se jettent sur lui avec tant d'ardeur et de passion, la jupe raccourcie et le décolleté baissé? Non non, il les rejette pas! En tout cas il s'en rend pas compte. Les meufs, ça a toujours été le dernier de ces soucis, toujours. De toutes façons, il a jamais reçu le mode d'utilisation, il ne sait logiquement pas s'en servir. Bien évidemment, les coups de matraque dans la figure des copains a toujours été plus rigolo que n'importe quoi d'autre. Alors à quoi ça sert de chercher désespérément à faire semblant d'être un bon gros macho alors qu'on en a rien a foutre? Aber préférait la solitude, au sens sentimental bien sûr. Quoique. Depuis qu'il était ici, à Thunder Bay, il a découvert les joies d'être absolument tout seul. A la fac, ce n'étaient que des amis de façade. Vous savez, ceux avec qui on ne traine que pour être accompagné au self et pour fumer n'importe quel pilon qui passe par là . Un bon gros cliché de l'étudiant comme Aber les aime, cependant ça lui faisait passer le temps. Vaguer de petits boulots en petits boulots rapidement lui permettait aussi de ne pas trop s'attacher à ses collègues. Malheureusement pour lui, ça faisait quelques temps qu'il avait un petit job où il devait se rendre régulièrement mannequin pour Pimp My Clothes. Mais qui dit job dit collègues, et qui dit régulièrement dit... régulièrement. C'est donc régulièrement qu'il voit les même têtes lui adresser plus ou moins de signes amicaux ou même simplement cordiaux. Et régulièrement il a cette drôle de gêne quand la boss vient lui en adresser un à son tour. Oh, rien de très méchant. Juste psychologique. Ouais, c'est ça. Le réel soucis ne vient pas de son envie d'être seul. Absolument pas même. En tout cas, depuis qu'il est ici, à Thunder Bay. Avant, ça ne s'était jamais manifesté. C'est vrai que l'envie lui prend souvent maintenant de s'isoler pour se plonger dans de profondes réflexions sur des sujets allant du sens de la vie sur Terre à la couleur rose des rouleaux de pq. Mais ce n'est pas la raison la plus importante. Arriver dans une grande ville, en tout cas qui a moins l'air d'une banlieue puante, c'est difficile. En fait, c'est difficile de s'intégrer. Il aurait dû y penser avant de se faire tous ces tatouages à la con qui lui montent jusqu'aux narines. Trouver un emploi et même une vie sociale dans un endroit où chaque passant te regarde comme si vous étiez une bête de foire, c'est pas funfun tous les jours. Encore, dans son bled paumé on le regardait mais on souriait, ici les gens sont plutôt du style à regarder bizarrement puis à déblatérer des injures ou sembler complètement outré. Autant dire que pour prendre le métro ou se balader dans les rues bondées, c'est assez cocasse. Ça fait un peu le même effet que d'être le seul être humain sain au milieu de zombies qui se retiennent de vous dévorer. Heureusement qu'il existe tout de même ceux qui ont de la retenue, et parfois même tentent de faire ami-ami avec lui. Oui c'est bien beau, sauf que l'autre problème, c'est les mœurs. A quoi bon se forcer de se lier avec quelqu'un qui fait tressaillir rien qu'à être regardé? Pourtant il n'a pas de quoi faire peur avec ses bras plus fins que des allumettes. A Thunder Bay sont donc rares les personnes qui ont respecté les choix d'Aber et qui lui accordent même de la sympathie. Quatre ou cinq personnes qu'il a rencontré ici et là , un peu plus ouverts d'esprit que les autres, mais bon, pas de quoi en faire des meilleurs amis pour la vie. Et puis avec un tel passé et un caractère aussi merdique, c'est dur dans le faire dans le relationnel pour ce petit bout d'homme. Mais en ne tentant rien, on a c'est en ne tentant rien que finalement il a eu quelque chose – il faut bien contredire les règles un peu, oh! Il y avait plusieurs choses qui retenait Aber à vivre dans cet endroit puant les préjugés comme dans beaucoup de grandes villes il avait l'espoir qu'un de ces CV envoyés soit retenu, il avait son appart', personne le faisait chier pour aller taper de la racaille, il neigeait souvent, aucune dépendance financière vis-à -vis de sa famille... Et puis surtout, surtout, il y avait elle. La fille aux cheveux roses. La nana qui n'a jamais de temps pour personne à part pour ses mannequins – de couture bien évidemment. Celle qui a toujours l'air pressée, oppressée même, qui a besoin de souffler. Celle qui fait les cent pas derrière les photographes en train de se mordiller les ongles. Celle qui a ses traits fins déformés par l'angoisse et le stress. Cette femme qui a tendance à dire tout le monde dehors, merci, au revoir» avant même que vous ayez pu en placer une. Jamais on peut prendre le temps avec elle. Le temps de changer de tenue pour la photo suivante ou de prendre son courage à deux mains pour lui dire quoi que ce soit. Stop, c'est la boss quand même, c'est un niveau au dessus, voir plus, beaucoup plus. Et apparemment, tout va trop vite avec elle, et dès le premier contact, elle nous emporte dans sa vitesse sans même qu'on se rende compte de quoi que ce soit. On a la tête en feu et on sent son cœur battre trop fort. Aber sursauta. Il ne sut pas si c'était dû à la chaleur qui venait picoter ses joues glacées ou à autre chose. Il s'aperçut bien vite qu'il bouchait l'entrée du café en entendant une petite voix polie lui demander ce qu'il se passait. Après être resté 2 bonnes secondes figé sur place, suscitant la curiosité de quelques clients, il se décala pour laisser passer la jeune fille. Il avait quasiment zappé qu'est-ce qu'il venait faire ici ni ce qu'il fit pendant la demi-heure qui précéda. Mais lorsqu'il vit ce visage candide aux joues rosées comme une poupée l'interroger du regard, il reprit vite ses esprits. "Ah oui, euhm... J'ai l'habitude de me mettre à cette table, ça vous conviens? "Dieu, merci d'avoir accordé au petit Aber le courage qu'il faut pour inviter sa boss à prendre un café. Et puis avec Tatiana, aucune chance que ça tourne mal. A moins qu'il ne se rétame en marchant sur ses lacets, comme il manqua de le faire en tirant sa chaise. Tatiana Cuplle ♠AGE 33♠COPYRIGHT Shey♠STATUT SOCIAL Seule♠EMPLOI/LOISIRS StylisteSujet Re "Un roi sans divertissement est un homme plein de misères" disait Pascal. __ /Tatiana Jeu 15 Mar - 1356 Tout était prêt. Elle avait droit à un peu de liberté l'espace d'une ridicule petite semaine. Le défilé était programmé, les tenues terminées, au détail près. Le planning était fixé, parfait, réglé à la minute, voire à la seconde. Il ne restait plus qu'à attendre le jour-J. Jour-J qui approchait à grand pas. Pourtant, cette semaine paraissait infiniment longue. C'était horrible pour Tatiana. Elle avait l'habitude de bouger sans cesse, de crouler sous la tonne de travail, sous le stress, l'angoisse. Elle allait vite, elle avait un rythme de vie que peu de gens arrivaient à supporter, même à New-York. Comparatif très mal placé étant donné que la jeune styliste est originaire du New-Jersey, et que les habitants de cette petite bourgade vomissent 45 fois à l'entente du mot New-York ». Les premières minutes après avoir bouclé les derniers détails pour la présentation de sa collection, elle s'était sentie libérée, un poids en moins sur les épaules et dans la poitrine. Pourtant, ce sentiment laissa vite place à l'ennui et l'impatience. Ensuite, la nervosité. La nervosité et la peur. Peur de mal faire, que tout aille de travers, que la technique faille, que des mannequins se désistent et/ou tombent malades, que des tenues manquent... Bref, tout ce qui pourrait faire de ce défilé un enfer ! Les premiers jours de congé, c'est toujours génial. On fait tout ce qu'on ne peut faire d'habitude, par manque de temps. On s'amuse, on profite. Et puis les jours finissent par se ressembler, on repense au travail. C'est pas que ça nous manque, c'est plutôt que c'est anormal de ne pas travailler. L'impression de prendre du retard, de négliger des choses importantes. Oui, Tatiana était un peu un bourreau de travail, mais après quelques années, c'était un automatisme qu'elle ne pouvait plus repousser. Pourtant, elle s'était promise qu'après cette collection, après l'ouverture de sa boutique, elle ne dessinerait plus avant un bon moment. Enchainer collection sur collection, ce n'est pas ce qu'il y a de mieux. Ni pour le business, ni pour la santé. En presque deux ans, elle avait tout donné. Elle s'était faite une place, elle avait trouvé le moyen de créer sa première collection. Elle l'avait créée, promotionnée et vendue. Vendue dans le monde entier. Elle avait ensuite repris les rennes sans perdre de temps, passant des nuits entières à dessiner, elle avait repris le flambeau et mis toute son énergie dans la seconde collection. Dénichant à la fois de nouveaux mannequins, de nouveaux adeptes, de nouveaux collègues, de nouveaux photographes et j'en passe. Une fois de plus, ces vêtements, pour la plupart allaient être produits en grande quantité et vendu à travers le monde. Elle devait s'assurer du bon fonctionnement de la manoeuvre. Ensuite, sa boutique était en travaux, bientôt terminée aussi. Et c'est elle qui en serait la première vendeuse pour démarrer. Elle n'avait pas encore ni les moyens, ni le courage de recruter des vendeurs. Elle préférait donc se consacrer à son magasin un long moment, continuant à créer par petite dose. Non seulement ça allégerait le travail et le stress, mais surtout, ça comblerait le manque de mouvements, l'hyperactivité de cette petite boule de nerfs. Elle avait aussi dans l'espoir de reprendre une vie sociale un peu plus normale, d'adopter des horaires de base et de pouvoir recommencer à sortir le vendredi soir, rencontrer des gens, et qui sait, entretenir une relation en parlant de vie sociale, elle avait repris quelques activités banales mais bénéfiques durant cette semaine. Elle avait eu la possibilité de revoir l'une ou l'autre amie de longue date, autour d'un café, une petite sortie au bowling et un restaurant en compagnie d'amis proches de la fac. Oui, il fallait l'avouer, la vie normale, c'était ça. Travailler, certes, mais aussi consacrer du temps au plaisir, à a distraction, consacrer du temps à des amis, à des personnes chères. Le restaurant, elle n'y avait plus été depuis... Et bien sans doute depuis son arrivée à Thunder Bay. De même pour le bowling. A vrai dire, ça, elle n'y jouait jamais beaucoup, elle arrivait à peine à tenir la boule... Et une fois qu'elle la lançait, celle-ci faisait direction gouttière, ça faisait rire tout le monde. Oui, tout le monde. Un jour, alors qu'elle clôturait sa dernière semaine de travail, qu'elle donnait une petite enveloppe supplémentaire à chaque mannequin, l'un de ceux-ci lui fit une proposition qui l'étonna pas mal. En effet, Aber Sparks lui avait proposé d'aller boire un café. Elle avait accepté, un peu désorientée, pensant surtout qu'ils devraient y parler affaires. Peut-être qu'Aber comptait s'en aller ou ne pourrait plus venir aussi régulièrement et qu'il préférait en parler en privé, pour être certain qu'elle lui accorde le temps nécessaire. Elle ne posa donc aucune question et accepta en souriant, fixant le rendez-vous dans son portable-ordinateur-agenda-supersonic. En effet, Tatiana, on ne pouvait jamais vraiment l'attraper pour lui parler d'un sujet sérieux, surtout pas au travail. Elle était trop occupée, trop dans ses pensées, trop carrée. Si quelque chose ou quelqu'un venait contrecarrer ses plans, si une minute était laissée au hasard, à vos risques et périls. Au mieux elle vous remballait gentiment, ou faisait semblant de vous écouter, oubliant à la seconde même ce que vous veniez de dire. Au pire, vous aviez droit à un regard mitrailleur, un ton sec et peu agréable pour vous dire d'aller voir ailleurs si elle y était, et de vous bouger un peu plus les fesses si vous vouliez rester dans son équipe. Heureusement, Aber avait eu l'intelligence de l'attraper en fin de semaine et au début d'une autre qui s'annonçait libre. Certes, cela prit trois minutes tout au plus, le temps de noter le jour, l'heure et le lieu, mais il avait eu l'intelligence ou juste la chance de tomber au bon moment. D'ailleurs, il avait du réfléchir des jours entiers pour tomber pile. Il avait du se désister pas mal aussi, tâtonnant le moment aujourd'hui qu'elle avait rendez-vous avec ce jeune homme. Ah oui, Aber qui est-ce ? Et bien Aber,c'était l'un de ses mannequin. Elle l'avait recherché, celui-là . Enfin, pas lui en particulier. Elle avait surtout besoin de garçons au style particulier afin de poser pour les vêtements les plus rock » de sa collection. Elle avait contacté quelques agences en vain. En effet, les mannequins masculins étaient plutôt du genre minet, bien sages, bien proprets. Un peu Ken », un peu trop parfaits et dénotant fortement avec les vêtements qu'ils devaient porter. C'est alors qu'un jour, une agence lui passa un coup de fil. Ils avaient quelqu'un à lui proposer, seul problème, il n'était pas engagé dans l'agence. Il avait été refusé, ne correspondant pas à leurs critères. Elle avait alors demandé à voir des photos de ce jeune homme, apparemment d'une vingtaine d'années. Il ne fallut pas moins de deux minutes à la jeune créatrice pour se dire qu'elle le voulait. De plus, elle crut bien le reconnaître. Ce gars était avec elle à la fac. Ils ne s'étaient jamais réellement parlé, mais elle l'avait toujours remarqué. Comment faire autrement, de toute façon. Il correspondait parfaitement à ses recherches. Tatoué, plutôt beau gosse, cheveux mi-longs, regard profond, bien formé, ni trop grand, ni trop petit. Elle prit donc les coordonnées et contacta ce modèle. Après toutes les conventions habituelles, il était devenu son premier, et quasiment seul mannequin aussi particulier. Tatoué de haut en bas, de long en large, peu d'autres avaient eu le courage de se faire colorier à ce point. Et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle en était fière de ce mec. Il travaillait bien, elle n'avait jamais du le recadrer, il faisait ce qu'elle demandait, parfois même sans qu'elle ait à le demander. Un élève assidu ! Faisait-elle aussi peur que cela ? Les photographes en étaient tout aussi satisfaits d'ailleurs. Souvent, il lui arrivait de rester un peu plus longtemps ou de ne jamais s'en aller quand tout allait de travers et qu'il fallait rester une heure de plus. C'est pour ça qu'elle avait décidé de lui verser une prime en fin de semaine, de temps en temps. Après tout, tout travail mérite salaire !Après son rituel habituel café-clope-douche-habillage-coiffage-maquillage, elle était prête pour son rendez-vous, professionnel à la base, donc. Au fond d'elle, l'angoisse qu'il lui annonce son départ, était présente. Il aurait été une grande perte pour sa société, et cela impliquerait une nouvelle recherche pour le remplacer, trouver quelqu'un d'aussi original était loin d'être simple. Elle avait même songé, durant la nuit, à lui augmenter sa paie, si le problème se trouvait là . S'il avait trouvé mieux ailleurs, elle pouvait faire concurrence. Ou bien diminuer la fréquence des shoots, bien qu'il était libre de venir quand il le souhaitait, vu qu'il était payé à la séance. Vêtue d'un long t-shirt imprimé, de collants à carreaux rouges et d'une petite veste poilue, ainsi que de bottines noires. Coiffée simplement, les cheveux lâchés, et maquillée comme à son habitude, Tatiana se rendit au Starbucks où elle devait rejoindre Aber. La neige fondait de plus en plus, le soleil perçait les nuages mais sans pour autant réchauffer. Ceci dit, cela égayait son humeur et elle avait le sentiment que ça faisait le même effet sur tout le arriva à bon port après une bonne dizaine de minutes. Aber était déjà là , planté debout, l'air hagard. Elle espérait ne pas l'avoir fait attendre trop longtemps. Elle s'approcha sans trop se soucier de son air bizarre et prit la Salut Aber ! Désolée si je t'ai fait attendre ! J'ai pas de talons aujourd'hui, je marche plus lentement quand je suis à plat. J'espère que tu vas bien ?Pas de réponse. Certes elle était petite, mais au point de ne pas la voir ? Elle posa alors ses yeux sur lui, sans trop comprendre. Elle se racla la gorge, avant qu'il reprenne ses esprits. Il semblait revenir de Ah oui, euhm... J'ai l'habitude de me mettre à cette table, ça vous convient ?Elle sourit et prit place sur la chaise en face de lui, posa son sac à ses pieds et retira sa veste, dans un soupire, un peu comme lorsqu'on est pressé et qu'on peut enfin se Pas de soucis, oh et puis tutoies moi. C'est Tatiana, pas madame. Je sais que tu bosses pour moi mais j'ai ton âge et on se connait de la fac, détends-toi !Elle posa ses mains sur la petite table, le portable posé juste à côté, au cas où un appel important pointerait le bout de son Alors, tu dois me parler d'un truc en particulier ? Je t'en supplie, me dit pas que tu veux arrêter de bosser avec moi. J'ai besoin de toi, surtout à l'approche du qu'elle était ici pour parler affaires, elle avait tout de suite entamé le sujet, sans même laisser Aber en placer une. Cette mauvaise manie qu'elle avait de tout faire rapidement. Elle n'avait même pas pensé à commander à boire. Son esprit était vraiment formaté, il faudrait remédier à ça. Aber Sparks ♠AGE 31♠COPYRIGHT Drey / Tumblr♠STATUT SOCIAL Alone. ♠EMPLOI/LOISIRS Sans emploi / truandSujet Re "Un roi sans divertissement est un homme plein de misères" disait Pascal. __ /Tatiana Lun 19 Mar - 1148 Ses doigts longs et fins s'étiraient sur la table, tout comme ceux de la demoiselle d'en face, parsemés de bagues plus fantaisistes les unes que les autres. L'une représentait une croix latine à l'horizontale s'étalant sur deux doigts, une autre, sur son index gauche, une tête de hiboux, à l'un de ses majeurs un petit anneau en perles de rocaille multicolores.. Et il y avait, entre elles, une qui faisait ressortir de manière délicate la candeur de sa peau. L'annulaire droit de la jeune fille était enlacé d'un anneau doré sur lequel était dressé un masque vénitien miniature, tout de blanc et de noir. Elle était d'une finesse incroyable, qui frappait même Aber, l'éternel insensible aux arts. Des courbes d'or encadraient le visage dont seuls les yeux, entièrement noirs, ressortaient. Ils semblaient donner une âme à ce minuscule personnage, une profondeur qui laissait bien des personnes perplexes. Un bijou mystérieux, qu'il reconnut aussitôt. Cette bague, elle la portait déjà à la après-midis allongé dans l'herbe du parc, au soleil. Les joies du penspinning et du coloriage au bic des tatouages pas encore remplis, pendant les cours. Le bruit assourdissant de la cloche qui devait avoir une bonne centaine d'année et toujours pas changée. Les regards curieux qui volent de personnes en personnes. L'odeur de beuh mélangée à celle de transpiration des élèves. Les crissements des chaussures écrasant le lino des couloirs ou celui de la craie résonnant dans tout l'amphi. Les baguettes de mauvaise qualité qui se brisaient à la moindre occasion. La voix criarde de la prof d'histoire de la musique et son Levi's qu'elle remontait jusqu'à son nombril. Les nombreux bouquins de Paul Valéry ou de Paulo Coelho dévorés avec passion. L'insonorisation défectueuse des salles et la honte ressentie lorsqu'on fait une faute de rythme et que tout le bahut l'entend. La coupe de cheveux pas très naturelle du proviseur et son costume trop petit pour son ventre d'homme de la cinquantaine. Le poids insupportable des partitions pesant dans le sac à dos miteux. Cette furent les quelques détails dont se souvint Aber de son séjour à la fac d'arts. Malgré son amour pour la batterie, on ne peut pas dire qu'il fut très attentif aux cours. Ça ne le passionnait pas vraiment. Tout ce qui l'intéressait, c'était d'apprendre à jouer plus efficacement et plus vite, non pas de savoir si la cymbale ride est importante ou pas dans le jazz. Et toutes les autres matières, on peut dire qu'il s'en foutait éperdument. Il savait que ça ne lui apporterait rien dans la vie, même pas de quoi entretenir une discussion, à part si c'est avec un psychopathe mordu de Beethoven capable de disserter sur la manière dont il a évolué vers le romantisme musical. Du coup, il passait quelques heures, de temps en temps, à flâner dans les couloirs et aux alentours de l'école, seul, au lieu d'être gentiment assis à hocher la tête sur les phrases soporifiques des professeurs. Il aimait profiter de cette solitude, si rare pour lui. Il en profitait pour inspecter la décoration négligée du bâtiment, observer les étudiants en pleine concentration par une fenêtre, écouter le silence régnant. Cependant, s'il s'approchait d'une porte qui cachait des musiciens jouant un air qui lui plaisait, il s'asseyait contre celle-ci un moment pour laisser son esprit s'évader. C'était son petit plaisir de fac. La solitude. Évidemment des moments comme ceux-ci, ça ne dure pas éternellement. Avant même que la cloche ne sonne, la salle d'en face laissait s'échapper quelques élèves. Apparemment, ils sortaient de cours de photo, vu les sacs encombrants qui chargeaient leurs bras. Tous se dispersaient, en groupe, avec des j'ai faim» ou des on passe chercher à manger?» ponctuant leurs phrases. Ça voulait dire qu'il sera bientôt temps pour Aber de se lever et rejoindre ses "amis" pour aller déjeuner. Et que la musique de l'autre coté de la porte sera voilée par le boucan des élèves puis s'éteindra. Sauf qu'il n'avait pas envie de se bouger. Comme un enfant, il voulait retarder au possible le moment de se lever. La jeune fille qui s'avança vers lui ne devait pas être du même avis. Il la reconnut aussitôt, dès qu'elle lui tendit sa toute petite main. Veux-tu te lever? On va t'écraser si tu restes ici! ». Son rire cristallin décrochait un petit sourire à Aber. Il avait rarement l'occasion de l'entendre. Le fait qu'ils ne soient pas si proches que ça devait y être pour beaucoup. Il aurait aimé devenir ami avec elle, c'est plutôt rare de voir quelqu'un comme ça dans les environs. Avec elle, il se sentait déjà un peu moins.. seul. Quelle jolie Pas de soucis, oh et puis tutoies moi. C'est Tatiana, pas madame. Je sais que tu bosses pour moi mais j'ai ton âge et on se connait de la fac, détends-toi !Tu ne crois pas si bien dire. - Alors, tu dois me parler d'un truc en particulier? Je t'en supplie, ne me dis pas que tu veux arrêter de bosser avec moi. J'ai besoin de toi, surtout à l'approche du leva ses yeux de la bague pour regarder son interlocutrice avec un air profondément stupide. Il était on ne peut plus offensé. Certes, elle ne pouvait pas deviner qu'il était vexé, mais elle ne pouvait pas non plus deviner pourquoi il l'avait invitée. Il la fixa une bonne poignée de secondes, les yeux ronds comme des billes, avant d'essayer de reprendre sur un ton de conversation Mais qu'est-ce que quoi? Est-ce que hein mais non!Désespéré, il mit son visage dans ses mains. Mais pourquoi est-ce qu'il n'arrivait pas à parler comme une personne civilisée dès qu'il était en présence de Tatiana? Bonne question. Lui-même n'avait pas la réponse. En tout cas une chose est sûre, c'est qu'elle devait à présent le considérer comme un autiste en puissance. D'abord, il faut savoir pourquoi il lui a proposé une telle chose. Ça aussi, c'était un mystère pour lui. Peut-être était-ce pour faire plus ample connaissance? Ou alors en souvenir des années de fac, même s'ils ne se connaissaient à peine? Sinon c'était pour parler de tout et de rien, juste pour en savoir un petit peu plus sur sa vie? Ou pour avoir l'occasion de ne l'avoir pour lui, rien que pour lui, sans les photographes et les autres mannequins qui rôdent autour? Pour pouvoir admirer ses cheveux roses encadrant son visage d'ange? Aucune idée. Ni pour elle, ni pour lui. Mais ce n'était certainement pas pour parler boulot, ça il en était sûr. Il écarta les doigts pour entrevoir l'expression qu'elle devait afficher. Elle avait l'air aussi perdue que lui. Rassemblant son calme et son courage, il fit baisser un petit peu sa tension artérielle. Ça a le don de lui faire du bien. Se redressant, il se racla la Se désister? Voyons, absolument pas! Faudrait être malade ouais. Mais non, ça ne m'avait pas du tout effleuré l' le vouloir, un sourire en coin apparut sur son visage. C'est bien de réussir à se décoincer. Il toisa la jeune fille quelques secondes, le temps de penser à un quelque chose qui, dans une situation telle que la sienne, voudrait démissionner? On ne peut pas dire qu'il a un grand nom dans ce milieu, mais des centaines voir des milliers de gens tueraient pour être à sa place. Pour être mannequin en tout cas. Et pour un over-tatoué, c'est d'autant plus difficile. Jamais il n'eut de remarque désagréable sur sa façon de se tenir ou de poser. C'est plutôt bien pour quelqu'un qui porte autant la poisse. Il aimait d'ailleurs cette sorte de liberté dans ce que lui offrait Tatiana tu viens une ou deux fois pas mois environ pour porter des tenues loufoques, et je te donne plus que ton salaire. Aucune condition, pas de délais à la con, ni d'horaires bizarroïdes. Fais juste l'égocentrique et c'est le jackpot. Easy life, comme on dit là -bas. Qui, d'ailleurs, voudrait démissionner d'un job dont le patron est une jeune fille absolument sublime, intelligente et drôle? Surement pas Aber. Mais ça, il sait pas trop pourquoi. Il est un peu lent. Tout ce qu'il sait, c'est que se rendre sur son lieu de travail, c'est son petit plaisir. Sans ça, peut-être qu'il aurait quitté la ville depuis longtemps sans compter le fait qu'il se serait senti encore plus seul à être l'unique personne ayant des pouvoir étranges dans les 50 kilomètres à la ronde. Le loyer était immensément cher, les gens souvent désagréables, le temps pourri, et les automobilistes de vrais chauffards. Mais dès qu'il passait le pas de la porte du studio, il y avait cette odeur de café, de vieux vêtements vintage, et de parfum féminin. C'était celui de Tatiana, qui sourit de toutes ses dents pour l'accueillir, vêtue d'une robe plus fantaisiste à chaque fois. C'était ça, son petit plaisir. Ce sourire. Il reposa les yeux sur les mains de la jeune fille. Tout ce qu'elle tenait, c'était son téléphone. Elle semblait le regarder avec de tout aussi grand yeux. Elle avait surement remarqué qu'il était parti loin, très loin. Assez loin pour oublier d'aller prendre à boire. Boulette. Il se leva le plus naturellement possible pour aller réparer ça. Il compta une petite dizaine d'euros dans le fond de sa poche pour anticiper. Décidément, il fallait qu'il refasse un tour à la banque, à moins qu'elle ne le boude encore. - J'ai totalement oublié, vous... merde. Tu veux quelque chose à boire? Je te le rapporte, j'en ai pour deux minutes. Il s'écarta de la table de quelques pas, remarquant avec agacement la file d'attente qui s'étendait hors du café. Puis il s'arrêta net, comme un automate en panne. Il avait sans doute loupé quelque chose. En bonne poire qu'il est, il doit y avoir une douille quelque part... Il revint sur ses pas et posa une main sur la table. D'un air inquiet, il interrogea Tatiana du regard, mais d'une manière on ne peut plus sérieuse. - A moins que... tu veuilles me virer?Son teint avait tourné au vert. Alors ça, il en était pas question. Il fallait lui passer sur le corps pour le détacher de ce boulot. Et il ne voulait pas arrêter de la voir. Ah ça, c'était vraiment pas possible. Non, pas possible. Désolé. Tatiana Cuplle ♠AGE 33♠COPYRIGHT Shey♠STATUT SOCIAL Seule♠EMPLOI/LOISIRS StylisteSujet Re "Un roi sans divertissement est un homme plein de misères" disait Pascal. __ /Tatiana Lun 19 Mar - 2004 Les yeux d'Aber. Il y avait tellement de choses à dire sur ces deux-là . La première chose était qu'ils se laissaient rapidement distraire, qu'ils partaient loin, très loin, on ne sait où. Déjà en arrivant, elle les avaient surpris guetter le vide. Elle aurait presque pu voir défiler devant eux, un voile de souvenirs dansant, virevoltant à gauche et à droite. Ici encore, ils s'attardaient sur ses doigts fins et blancs, ou plutôt sur les bagues multiples qu'elles portaient toujours. Elle s'attarda un instant sur son regard, il semblait se porter sur le petit masque vénitien. Elle n'en n'était pas certaine mais elle en était quasiment sûre. Il avait ce don d'hypnotiser un peu près toutes les personnes qu'elle rencontrait. Tatiana s'était déjà posé la question de savoir si elle avait un pouvoir magique, un VRAI pouvoir magique. Tout ce qu'elle savait, c'est qu'elle traînait cette bague au même doigt et ce, depuis des années. Elle ne l'avait jamais, jamais retirée. Même pour se laver, elle restait bien accrochée. J'aurais bien aimé tomber dans le mélodramatique, vous dire que c'était son père qui lui avait offert cette bague si précieuse, alors qu'elle était encore au lycée. Aussi, que cette bague, il la tenait de sa propre mère et que comme Tatiana était son unique fille, il lui devait. J'aurais pu vous dire aussi qu'elle y tenait comme à la prunelle de ses yeux -ce qui n'est pas tout à fait faux, et qu'elle la caressait parfois inconsciemment en se remémorant le bon souvenir de son paternel. Or, cette bague n'avait aucune histoire, si je peux dire ça comme ça. Elle en avait sûrement une, en fait, quand j'y pense. Bref. Tatiana, qui aimait beaucoup fouiner, traîner sur des marchés, des brocantes, des friperies et tout ce genre de lieux poussiéreux, avait trouvé cette bague sur une brocante. Elle l'avait eue pour pas grand chose. Elle se souvient, du haut de ses 16 ans, à tout casser, se promener au milieu de tous ces vieux aux vestons bruns et poussiéreux, aux pantalons usés au fesses et aux chaussures bien cirées. Ou de pantoufles pour d'autres. Elle avait déjà un sac bien rempli de choses et d'autres, de vieux disques, de froufrous parfumés à l'odeur de cave, et de trucs par ci, par là qu'elle avait trouvé sympa pour très peu d'argent. Elle se souvient très bien de cette vieille dame au visage marqué par le temps, particulièrement par les rides. Cette petite bonne femme aux cheveux blancs, un peu rondelette, assise sur une chaise basique comme celles qu'on utilise à la plage. Juste quelques barres de métal et du tissu pour nous tenir les fesses et le dos. Cette dame avait un des plus grands étalages de toute la brocante ! Elle avait de tout, du plus original au plus banal, du plus vieux au plus récent, du plus petit au plus grand. Et au milieu de tout ce bazar, cette bague. Elle avait été comme un appel pour Tatiana. Sans doute à cause de son goût pour l'art, oui. Puis elle était tellement belle. Elle scintillait au soleil, elle inspirait des sentiments tellement profonds. La jeune fille était restée là à la contempler de longues minutes. Elle semblait avoir vécu mais elle était toujours tellement...parfaite ! C'est alors que la petite dame s'était approchée en souriant elle vous plait mademoiselle ? ». Tatiana avait sursauté, et en reprenant ses esprits, avait confirmé. Lui plaire ? C'était bien plus que ça. Il ne fallut pas plus de deux minutes pour que Tat' l'enfile à son doigt et parte avec. Prenez-en soin, vous avez beaucoup de chance de l'avoir. » avait ajouté la vendeuse. Tat', intriguée, lui avait demandé pourquoi avait-elle de la chance. C'est vous qu'elle attendait jeune fille... ». A croire qu'elle attendait de rencontrer Aber aussi, vu depuis combien de temps il était absorbé par les courbes généreuses de ce masque. Dans les yeux d'Aber, il n'y avait pas que cet air un peu idiot, un peu maladroit. Oh non, Tat' avait vu bien plus loin que ça. En effet, elle ne le connaissait pas fort bien, même à la fac, c'était plutôt de la courtoisie, des sourires discrets et polis. Des regards de loin, rarement échangés avec franchise. Non seulement, elle était un peu timide, mais lui aussi avait l'air de ne pas toujours se sentir à l'aise dans ses bottes en sa présence. L'intimider ? Non, se disait-elle. Il devait falloir bien plus que ça pour intimider un beau gars baraqué comme lui. Ce n'était pas Tatiana miss froufrous, qui se casse un os à la première tape amicale qui pouvait intimider ce gars là . Pourtant, elle ne le voyait pas comme une brute. Il lui semblait doux et tendre. On ne pouvait pas dire qu'ils avaient déjà eu de quelconques gestes pour se le prouver. Elle le voyait dans ses yeux. Peut-être parce-qu'elle était une fille, sa patronne... Elle n'en savait rien du tout. Elle avait déjà observé ses regards un peu perdus quand elle donnait des instructions carrées et rapides, ou quand il devait enfiler un vêtements un peu farfelu, ne sachant pas où passer sa tête, où passer ses bras. Combien de fois il l'avait déjà fait rire avec ce petit air presque niais. Un peu comme un gosse qui se fait donner une leçon par un grand, comme si cette minette lui apprenait des choses à chaque fois qu'ils se voyaient. Comme elle le connaissait peu, elle n'avançait rien de tout ce qu'elle croyait déceler dans ces jolis yeux marrons. Elle y voyait un lourd vécu, un lourd passé. Pas de tristesse, pas d'ennui, non plus. En fait, de tous les mannequins présents dans le studio à chaque fois, c'était Aber le plus vivant, le plus naturel. Les filles avaient le don d'agacer Tat', avec ce regard vide, ces yeux de poisson, dénués de sentiments. Elles ne s'amusaient même pas dans leur travail, c'était triste ! De vraies machines. Parfaites dans leur tenues, dans leur capacité à recevoir des ordres, mais des machines. Il n'y avait pas d'autres mots. Les yeux d'Aber la rassuraient et l'enveloppaient d'amour à chaque fois qu'elle perdait qu'elle le vit reprendre ses esprits, ainsi que se cacher dans ses mains, elle ne pu retenir un rire. Doux, discret, qui disait à Aber qu'il était fou. Fou, d'une folie gentille, d'un folie attendrissante. D'une folie qui ne tarderait pas à lui faire chavirer le coeur s'il ne se calmait pas de suite. Elle baissa alors les yeux sur son portable qu'elle n'utilisait même pas. Elle était soulagée, aussi. Soulagée qu'il ne compte pas s'en aller. Soulagée de voir que la seule base plus ou moins stable de sa société resterait à ses côtés. Rassurée qu'elle garderait au moins une personne compétente avec elle. Elle se rassurait surtout en ne trouvant que de bonnes excuses professionnelles. Elle se voilait la face que si Aber était là , et que si elle faisait en sorte de le garder, ce n'était pas que pour sa société. C'était un peu, voire avant-tout, devenu personnel. Non, on ne parlait pas du tout d'amour, on n'était à mille lieues de tout ça. C'était de l'affection, oui mais tellement plus complexe. C'était, comme déjà dit, une personne qui la rassurait, qui l'embaumait d'un halo étrange qu'elle ne ressentait pas vraiment avec d'autres personnes d'habitude. C'était Aber, elle ne pouvait encore pas mettre de réels mots sur ce qu'elle éprouvait quand elle évoquait son nom. Il lui arrivait de penser à lui, parfois, en dehors du travail. Quand son cerveau lui autorisait à penser à autre chose qu'à ça, quand elle pouvait faire une pause, ou bien quand elle voyait des clichés et qu'elle reconnaissait ses les quelques mots rassurants d'Aber, elle avait posé, un quart de seconde, sa main sur la sienne, en guise de J'ai totalement oublié, vous... Tu veux quelque chose à boire? Je te le rapporte, j'en ai pour deux oui, à boire ! C'était quand même le but du rendez-vous, et elle aussi, avait totalement zappé la première raison de sa venue. Elle se redressa et reprit son Oh oui, heu... Un macchiato caramel, s'il te plaît. Et s'il te faut de la monnaie j'en ai !Il était déjà sûrement bien loin, elle ne s'était pas retournée. Elle regarda l'heure, elle n'avait quasiment pas bougé depuis son arrivée et pourtant, elle avait l'impression d'être là depuis des heures. Mais alors, que faisait-elle ici, si ce n'était pas pour parler boulot ? Enfin... Elle n'en savait rien. Il avait dit ne pas vouloir s'en aller, mais il allait peut-être quand même enchaîner là -dessus. Augmentation du salaire, horaires réduits, mésentente avec un des membres... Une petite poussée d'adrénaline envahit une nouvelle fois la jeune fille. Pitié, pas de problèmes, pas de problèmes, pas de A moins que... tu veuilles me virer?Elle fit un bond. Si elle s'attendait à le voir surgir de n'importe où ! Elle releva les yeux vers lui, le coeur battant au moins deux fois plus rapidement que la seconde précédente. Ce pseudo air menaçant la fit presque exploser de rire, mais avec cette mini crise cardiaque, elle était dans l'incapacité totale d'afficher un quelconque rictus, ou même quelque chose proche de la chose, sur son joli petit virer ? Mais quelle stupide idée. Sûrement tout autant stupide que de penser qu'il voulait démissionner. Elle ne pouvait pas le virer, elle avait besoin de lui, besoin de ses tatouages pour accorder ses vêtements, besoin de sa présence pour rester un minimum crédible sur les photos qu'elle promotionnait. Elle avait besoin de lui pour continuer à ressentir ce sentiment qui la laissait perplexe à chaque venue d'Aber dans le studio. Elle avait besoin de lui pour se rassurer et se conforter dans l'idée qu'elle ne faisait pas que de la merde, et que ses projets aboutiraient. - Je heu... Quoi ? Mais t'es fou !Elle se mit alors à rire, prenant conscience de ce qui se passait sous ses yeux plein de surprise. Quel comique cet Pas du tout, je compte te garder jusqu'à ce que tu meurs à la tâche toi ! J'ai besoin de toi, je te l'ai déjà dit, dit-elle en lui adressant un sourire innocent, se pressant de chasser toutes ses prises de conscience hors de sa petite tête. Contenu sponsorisé Sujet Re "Un roi sans divertissement est un homme plein de misères" disait Pascal. __ /Tatiana "Un roi sans divertissement est un homme plein de misères" disait Pascal. __ /Tatiana Page 1 sur 1Permission de ce forumVous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forumLightning Strokes Thunder Bay. Starbuck vers
Aussi on évite cela soigneusement et il ne manque jamais d’y avoir auprès des personnes des rois un grand nombre de gens qui veillent à faire succéder le divertissement à leurs affaires, et qui observent tout le temps de leur loisir pour leur fournir des plaisirs et des jeux, en sorte qu’il n’y ait point de vide. C’est‑à -dire qu’ils sont environnés de personnes qui ont un soin merveilleux de prendre garde que le roi ne soit seul et en état de penser à soi, sachant bien qu’il sera misérable, tout roi qu’il est, s’il y pense. »Adaptation et réalisation Laure EgoroffConseillère littéraire Emmanuelle Chevrière Avec Jean-Yves Berteloot, Liliane Rovère, Fred Ulysse, Jean O’Cottrell, Jean-Claude Frissung, Marie-Pierre Casey, Marjorie de Larquier, Amandine GayEt les voix de Pierre Mignard, Adrien Melin, Etienne LaunayCréation sonore Floriane PochonBruitages Elodie Fiat et Sophie BissantzPrise de son, montage, mixage Bernard Lagnel, Matthieu Le RouxAssistantes à la réalisation Louise Loubrieu et Romane Chibane Une nouvelle édition d’Un Roi sans divertissement, de Jean Giono, paraîtra le 12 mars aux éditions Gallimard, dans la bibliothèque de la Pléiade
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